Interdiction du mariage temporaire en Islam : origines et responsables

En 632, une règle admise d’un côté du monde musulman devient un interdit de l’autre. Le mariage temporaire, le fameux mut’a, n’a jamais cessé de diviser. Son histoire, ses justifications, ses interdits et ses défenseurs : derrière ce contrat singulier, c’est tout un pan de la diversité islamique qui s’exprime.

Le mariage temporaire (Mut’a) : origines historiques et fondements religieux

Le mariage temporaire, ou mut’a, prend racine dans la toute première génération musulmane. La sourate an-Nisa (verset 24) l’évoque clairement : à l’époque du prophète Muhammad, hommes et femmes pouvaient conclure un contrat de mariage limité dans le temps, moyennant une dot (mahr) fixée d’un commun accord. La société de l’époque, marquée par la mobilité, les conquêtes, l’absence des époux, avait besoin de solutions flexibles. Le mut’a venait alors répondre à ces réalités mouvantes.

Parmi les figures marquantes, Ibn Abbas, exégète renommé, défendait la légitimité de la pratique en s’adossant sur les versets du Saint Coran et sur plusieurs hadiths. Des récits d’Anas ibn Malik, conservés dans le Sahih Bukhari, montrent la tolérance initiale accordée au mut’a du vivant du messager de Dieu. Ces unions temporaires étaient régies par un cadre strict : durée, dot, droits de chacun, tout était précisé, marquant une nette différence avec le mariage permanent.

Voici deux repères majeurs pour comprendre l’ancrage du mut’a dans les sources :

  • Le verset mariage temporaire de la sourate an-Nisa demeure le socle scripturaire.
  • Des juristes tels que Ibn Jarir et Bayhaqi rapportent que le mut’a coexistait avec d’autres formes matrimoniales à l’époque fondatrice.

La question du mut’a s’est peu à peu complexifiée autour de la notion d’abrogation (naskh). Certains savants affirment que la pratique fut annulée lors de la conquête de La Mecque ; d’autres pensent que l’interdiction ne survint que plus tard, sous la pression des premiers califes. Cette pluralité de sources et d’interprétations, mais aussi l’évolution des rapports hommes-femmes, nourrissent encore aujourd’hui des débats passionnés.

Qui a interdit le mariage temporaire et pour quelles raisons ?

Si le mariage temporaire a disparu de la plupart des sociétés musulmanes, ce n’est pas parce que le texte coranique l’aurait effacé, mais à cause d’une interdiction clairement établie par Umar ibn al-Khattab, deuxième calife de l’islam. Les récits historiques montrent qu’au début de son gouvernement, Umar, inquiet face aux abus constatés autour du mut’a, tranche : il met fin à la tolérance héritée du prophète et de Abu Bakr. Les recueils du Sahih Muslim et du Sahih Bukhari documentent cette décision, relayée lors de discours publics à la mosquée de Médine.

La démarche d’Umar vise à protéger la société naissante et à renforcer le statut des femmes. Ce qui, à l’origine, n’était qu’une solution d’exception risquait selon lui de banaliser la précarité des liens conjugaux. Il pose alors une règle stricte : tout mariage temporaire expose à la peine de la lapidation, au même titre que l’adultère.

Les soutiens d’Ibn Abbas, au premier rang desquels Ali ibn Abi Talib, maintiennent la légitimité du mariage temporaire au nom d’une lecture littérale du verset nisa. Pourtant, la position d’Umar s’impose progressivement dans la tradition sunnite, à l’exception de rares courants. Ce clivage subsiste dans l’islam chiite, qui conserve le mut’a, notamment en Iran, alors que la pratique reste prohibée dans la plupart des sociétés du Maghreb, d’Égypte ou du Golfe.

Trois éléments permettent de comprendre les raisons et les acteurs de cette interdiction :

  • La figure d’Umar ibn al-Khattab, moteur du bannissement du mut’a
  • Les inquiétudes sociales autour de la famille et du statut de la femme
  • La fracture persistante entre la vision chiite et l’approche sunnite

Intérieur d

Divergences entre chiisme et sunnisme : regards croisés sur la légitimité du Mut’a aujourd’hui

Aujourd’hui encore, le mariage temporaire demeure une ligne de démarcation entre islam chiite et islam sunnite. En terre chiite, notamment en Iran, le mut’a figure dans le droit de la famille : contrat limité, dot fixée, encadrement par les textes, l’institution garde sa place. Les partisans de cette pratique estiment qu’elle répond à des enjeux concrets : évolution des relations, besoin de souplesse, fidélité à la tradition prophétique.

En face, les juristes sunnites du Maghreb, d’Égypte ou du Golfe rejettent catégoriquement le mariage temporaire. Pour eux, seule l’union permanente garantit la stabilité familiale et protège la dignité des femmes. Le code de la famille privilégie le mariage durable ; la crainte d’une fragilisation du lien conjugal et du statut des enfants reste vive, que ce soit dans les sociétés traditionnelles comme dans les sociétés modernes.

Voici un aperçu des arguments avancés aujourd’hui de part et d’autre :

  • Côté chiite, le mut’a s’inscrit comme une réponse aux défis contemporains et aux réalités sociales changeantes.
  • Côté sunnite, la priorité reste à la protection de la famille par le mariage permanent, inscrit dans la loi et la morale collective.

Les débats, portés notamment par des penseurs comme Razika Adnani ou Chakib Guessous, illustrent toute la complexité du sujet : entre fidélité aux textes fondateurs et nécessité d’adapter les normes à la vie d’aujourd’hui. Le mut’a cristallise ainsi, au fil des siècles, les tensions entre tradition, réforme et quête de sens dans le droit musulman.

À l’heure où chaque société redéfinit ses repères, le mut’a continue de faire parler de lui : symbole d’une mémoire disputée, révélateur de fractures, prétexte à de nouveaux débats. La question demeure : entre texte, histoire et pratiques, où commence et où s’arrête la légitimité ?

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